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22 octobre 2008

La confession d'un enfant du siècle.

Quand à moi, je ne concevais pas qu'on fît autre chose que d'aimer; et lorsqu'on me parlait d'une autre occupation, je ne répondais pas. Ma passion pour ma maîtresse avait été comme sauvage, et toute ma vie en ressentait je ne sais quoi de monacal et de farouche. Je n'en veux citer qu' un exemple. Elle m'avait donné son portrait en miniature dans un médaillon; je le portait sur le cœur, chose que ont bien des hommes; mais ayant trouvé un jour chez un marchand de curiosités une discipline de fer, au bout de laquelle était une plaque hérissée de pintes, j'avais fait attacher le médaillon sur la plaque et le portais ainsi. Ces clous, qui m'entraient dans la poitrine à chaque mouvement, me causaient une volupté si étrange, que j'y appuyais quelquefois ma main pour les sentir plus profondément. Je sais bien que  c' est de la folie; l'amour en fait bien d'autres.numero2

Depuis que cette femme m'avait trahi, j'avais ôté le cruel médaillon. Je ne puis dire avec quelle tristesse j'en détachai la ceinture de fer, et quel soupir poussa mon cœur lorsqu' il s'en trouva délivré!_ Ah! pauvres cicatrices, me dis-je, vous allez donc vous effacer? Ah! ma blessure, ma chère blessure, quel baume vais-je poser sur toi?
J'avais beau haïr cette femme, elle était, pour ainsi dire, dans le sang de mes veines; je la maudissais, mais j' en rêvait. Que faire à cela? que faire à un rêve? quelle raison donner à des souvenirs de chair et de sang? Macbeth, ayant tué Duncan, dit que l'Océan ne laverait pas ses mains; il n'aurait pas lavé mes cicatrices. Je le disais à Desgenais:_que voulez-vous! dès que je m'endors, sa tête est là sur l'oreiller.
Je n' avais vécu que par cette femme; douter d'elle, c'était douter de tout; la maudire, tout renier; la perdre, tout détruire. Je ne sortais plus; le monde m' apparaissait comme peuplé de monstres, de bêtes fauves et de crocodiles. A tout ce qu' on me disait pour me distraire, je répondais: Oui, c'est bien dit, et soyez certains que je n' en ferai rien;
Je me mettais à le fenêtre et je me disais:_Elle va venir, j'en suis sur; elle vient; elle tourne la rue; je la sens qui approche. Elle ne peut vivre sans moi, pas plus que moi sans elle. Que lui dirai-je? quel visage ferai-je? Là dessus, ses perfidies me revenaient. Ah! qu'elle ne vienne pas! m'écriais-je; qu'elle n'approche pas! Je suis capable de la tuer.6eonkm
Depuis ma dernière lettre, je n'en entendais plus parler. _Enfin, que fait-elle? me disais-je. Elle en aime un autre? Aimons-en donc une autre aussi. Qui aimer? Et, tout en cherchant, j' entendais une voix lointaine qui me criait: Toi, une autre que moi! Deux êtres qui s'aiment, qui s'embrassent, et qui ne sont pas toi et moi! Est-ce que c'est possible? Est- ce que tu es fou?
_Lâche! me disais Desgenais, quand oublierez-vous cette femme? Est-ce donc une si grande perte? Le beau plaisir d'être aimé d'elle! Prenez la première venue.
_Non, lui répondais-je; ce n'est pas une si grande perte. N'ai-je pas fais ce que je devais? Ne l'ai-je pas chassée d'ici? Qu' avez-vous donc à dire? Le reste me regarde; les taureaux blessés dans le cirque ont la permission d'aller se coucher dans un coin avec  l'épée du matador dans l'épaule, et de finir en paix. Qu' est-ce que j'irai faire, dites-moi, là ou là? Qu'est-ce que c'est que vos premières venues? Vous me montrerez un ciel pur, des arbres et des maisons, des hommes qui parlent, boivent, chantent, des femmes qui dansent et des chevaux qui galopent. Ce n'est pas la vie tout cela: c'est le bruit de la vie. Allez, allez; laissez-moi le repos.

chanel

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